mardi 14 décembre 2010

L'usurpation d'identité sur Internet bientôt pénalisée


Le Point.fr - Publié le 14/12/2010 à 10:18


Les députés examinent en seconde lecture le projet de loi Lopssi 2, qui prévoit notamment de pénaliser l'usurpation d'identité sur un réseau de communications électroniques.
L'usurpation d'identité sur Internet bientôt pénalisée
Il existe une multitude de profils "Nicolas Sarkozy sur Facebook © / Capture d'écran Facebook
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Par LAURENCE NEUER
Les faux profils pullulent sur les réseaux sociaux, à commencer par celui de Nicolas Sarkozy. Revêtir l'accoutrement numérique d'un autre est un jeu d'enfant. Il suffit en effet de connaître les identifiants de messagerie d'une personne pour envoyer des e-mails à sa place. 210.000 cas d'usurpation d'identité sont recensés chaque année en France et près d'une victime sur deux ignore la façon dont le fraudeur a obtenu ses données personnelles. Que faire face à ce petit jeu qui peut tourner au drame ?
Vide législatif
Pour le moment, le simple fait d'utiliser la boîte e-mail d'une personne n'est pas punissable. La peine d'amende de 75.000 euros pour "usurpation d'identité" ne sanctionne que deux cas : l'utilisation d'une fausse identité dans un acte authentique ou un document administratif destiné à l'autorité publique (actes authentiques établis par les notaires) et le fait de se présenter sous un faux nom pour se faire délivrer un extrait de casier judiciaire.
Dans tous les autres cas, le vol d'identité n'est sanctionné que lorsque la victime de l'usurpateur encourt une condamnation pénale. Exemple : l'usurpateur qui se fait passer pour elle tient des propos diffamatoires ou commet un délit routier.
Autrement dit, il faut une infraction "principale" pour que l'usurpation d'identité (infraction "connexe") soit reconnue pénalement. Autre exemple, le fait de créer une adresse électronique sous l'identité d'une personnalité politique ne peut être sanctionné que si l'auteur s'en sert pour véhiculer des injures ou de la diffamation (article 434-23 du Code pénal). Même chose si une personne utilise l'identité de quelqu'un pour louer une voiture sans la rendre à l'issue de la période de location ou falsifie le chéquier d'une personne pour régler des achats. Ici, la victime risque une condamnation pour vol ou pour escroquerie.
Condamnation d'un internaute ayant créé un faux profil sur Facebook
La violation du droit à l'image qui peut aussi servir de fondement à une action judiciaire à la suite de la publication sur Internet de photos de la victime. Fin novembre 2010, l'humoriste Omar Sy, membre du duo Omar et Fred, a fait condamner à 4.000 euros dont 2.500 euros de réparation l'usurpateur qui avait créé un faux profil à son nom. Accessible à tous les membres de Facebook, ce profil affichait des photos le représentant seul ou avec son partenaire de scène. Il contenait également des commentaires que l'artiste était censé avoir écrit ainsi que les réponses de ses "amis" qui pensaient s'adresser à lui. La justice a autorisé Omar Sy à demander à Facebook l'adresse IP et l'adresse e-mail de l'usurpateur. Le fournisseur d'accès auquel correspondait l'adresse IP a ensuite livré l'identité de son abonné. Celui-ci a été assigné en référé pour atteinte à la vie privée et au droit à l'image de l'artiste. Pour le tribunal, toute personne quelle que soit sa notoriété a droit au respect de sa vie privée et "aucun élément ne justifie que les informations concernant ses goûts ainsi que le nom de certains de ses amis soient portés à la connaissance du public".
Ce que prévoit la Loppsi 2
Le projet de loi Loppsi sur la sécurité intérieure prévoit de réprimer le fait d'utiliser, de manière réitérée, sur un réseau de communication électronique, l'identité d'un tiers ou des données qui lui sont personnelles en vue de "troubler la tranquillité de cette personne ou d'autrui" ou de "porter atteinte à son honneur ou à sa considération". Cette infraction devrait être punie d'un an d'emprisonnement et de 15.000 euros d'amende.
Certains experts estiment que cette nouvelle incrimination laisse beaucoup de situations impunies. Pour Christophe Naudin, chercheur criminologue au département de recherche en Menaces criminelles contemporaines à l'université de Paris II, il ne faut pas se cantonner à l'usurpation d'identité stricto sensu mais aussi prendre en compte les nombreux cas de substitution d'identité et identités fictives. "Il faudrait par ailleurs que la loi sanctionne de manière identique tous les cas d'usurpation d'identité, depuis le vol de papiers pour souscrire un crédit aux achats à l'aide de cartes bancaires volées, estime l'expert. S'agissant d'une atteinte aux personnes, ses auteurs devraient même être jugés aux assises, d'autant que le traumatisme lié à ce type d'infraction peut être énorme."

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