mercredi 27 juin 2012

Les Pays-Bas refusent de signer l'ACTA


Julien L. - publié le Mardi 26 Juin 2012 à 09h44 -surl e site Numerama : http://www.numerama.com/magazine/22991-les-pays-bas-refusent-de-signer-l-acta.html

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Le gouvernement néerlandais a annoncé qu'il renonçait à signer l'ACTA, au moins provisoirement. Il demande des garanties pour s'assurer que les libertés individuelles ne soient pas affectées par le traité. Une annonce qui survient peu après le rejet de l'ACTA par les cinq commissions parlementaires européennes.

Négocié dans le plus grand secret par les diplomates des principales puissances économiques du monde, l'accord commercial anti-contrefaçon va de Charybde en Scylla. Le processus de ratification est gelé dans plusieurs pays européens, le Contrôleur européen de la protection des données a étrillé le traité international et toutes les commissions concernées se sont prononcées pour son rejet pure et simple.
Aujourd'hui, il ne manque plus grand chose pour que tout l'édifice s'effondre. Le vote en session plénière prévu début juillet au Parlement européen sera de ce point de vue déterminant, puisqu'il décidera de l'avenir de l'ACTA sur le Vieux Continent. Tandis que les ultimes manœuvres sont en cours, les Pays-Bas ont indiqué qu'ils renonçaient à signer l'accord.
Signalé par Philippe Astor, le site Future of Copyright rapporte que le gouvernement néerlandais a définitivement choisi de s'opposer à l'ACTA, après les multiples appels en ce sens des parlementaires, au moins jusqu'à ce que la compatibilité du texte avec les précédents accords internationaux soit démontrée. La Cour de justice de l'Union européenne a d'ailleurs été saisie sur ce point, mais son avis ne sera pas connu avant plusieurs mois.
Les Pays-Bas font partie d'un groupe de pays clairement opposés à l'ACTA. En début d'année, les élus hollandais avaient voté une motion dans laquelle ils ont demandé au gouvernement de ne pas signer le traité tant que la démonstration d'un strict respect des libertés individuelles n'a pas été apportée, aussi bien au niveau du droit européen que de la législation néerlandaise.
Un an auparavant, ces mêmes députés avaient demandé la transparence complète autour des négociations ainsi que sur le contenu de l'ACTA. À l'époque, ils estimaient que cette opacité était un frein à la ratification. L'accord commercial anti-contrefaçon prévoit une date limite de signature au 1er mai 2013.

mercredi 18 avril 2012

Les spéculateurs devraient être jugés pour crime contre l’humanité

ALIMENTATION
Jean Ziegler : « Les spéculateurs devraient être jugés pour crime contre l’humanité »
PAR ELODIE BÉCU (19 DÉCEMBRE 2011)

Les ressources de la planète peuvent nourrir 12 milliards d’humains, mais la spéculation et la mainmise des multinationales sur les matières premières créent une pénurie. Conséquence : chaque être humain qui meurt de faim est assassiné, affirme Jean Ziegler, ancien rapporteur spécial de l’ONU pour le droit à l’alimentation. Il dénonce cette « destruction massive » par les marchés financiers. Des mécanismes construits par l’homme, et que l’homme peut renverser. Entretien.







Basta ! : Craignez-vous que la crise financière amplifie celle de la faim dans le monde ?

Jean Ziegler : Tous les cinq secondes, un enfant de moins de 10 ans meurt de faim. Près d’un milliard d’humains sur les 7 milliards que compte la planète souffrent de sous-alimentation. La pyramide des martyrs augmente. À cette faim structurelle, s’ajoute un phénomène conjoncturel : les brusques famines provoquées par une catastrophe climatique – comme en Afrique orientale, où 12 millions de personnes sont au bord de la destruction – ou par la guerre comme au Darfour. En raison de la crise financière, les ressources du Programme alimentaire mondial (PAM), chargé de l’aide d’urgence, ont diminué de moitié, passant de 6 milliards de dollars à 2,8 milliards. Les pays industrialisés ne paient plus leurs cotisations car il faut sauver la Grèce, l’Italie et les banques françaises. Une coupe budgétaire qui a un impact direct sur les plus démunis. Dans la corne de l’Afrique, le PAM est contraint de refuser l’entrée de ses centres de nutrition thérapeutique à des centaines de familles affamées qui retournent dans la savane vers une mort presque certaine.



Et les financiers continuent de spéculer sur les marchés alimentaires. Les prix des trois aliments de base, maïs, blé et riz – qui couvrent 75 % de la consommation mondiale – ont littéralement explosé. La hausse des prix étrangle les 1,7 milliard d’humains extrêmement pauvres vivant dans les bidonvilles de la planète, qui doivent assurer le minimum vital avec moins de 1,25 dollar par jour. Les spéculateurs boursiers qui ont ruiné les économies occidentales par appât du gain et avidité folle devraient être traduits devant un tribunal de Nuremberg pour crime contre l’humanité.

Les ressources de la planète suffisent à nourrir l’humanité. La malnutrition est-elle seulement une question de répartition ?

Le rapport annuel de la FAO (Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture) estime que l’agriculture mondiale pourrait aujourd’hui nourrir normalement 12 milliards d’humains [1], presque le double de l’humanité. Au seuil de ce nouveau millénaire, il n’y a plus aucune fatalité, aucun manque objectif. La planète croule sous la richesse. Un enfant qui meurt de faim est assassiné. Il n’est pas la victime d’une « loi de la nature » !

Au-delà de la spéculation, quelles sont les autres causes de la faim dans le monde ?

Tous les mécanismes qui tuent sont faits de main d’homme. La fabrication d’agrocarburants brûle des millions de tonnes de maïs aux États-Unis. L’océan vert de la canne à sucre au Brésil mange des millions d’hectares de terres arables. Pour remplir un réservoir de 50 litres de bioéthanol, vous devez brûler 352 kg de maïs. Au Mexique ou au Mali, où c’est l’aliment de base, un enfant vit une année avec cette quantité de maïs. Il faut agir face au réchauffement climatique, mais la solution ne passe pas par les agrocarburants ! Il faut faire des économies d’énergies, utiliser l’éolien, le solaire, encourager les transports publics.

Autre élément : le dumping agricole biaise les marchés alimentaires dans les pays africains. L’Union européenne subventionne l’exportation de sa production agricole. En Afrique, vous pouvez acheter sur n’importe quel étal des fruits, des légumes, du poulet venant d’Europe à quasiment la moitié du prix du produit africain équivalent. Et quelques kilomètres plus loin, le paysan et sa famille travaillent dix heures par jour sous un soleil brûlant sans avoir la moindre chance de réunir le minimum vital.

Et la dette extérieure des pays les plus pauvres les pénalise. Aucun gouvernement ne peut dégager le minimum de capital à investir dans l’agriculture, alors que ces États ont un besoin crucial d’améliorer leur productivité. En Afrique, il y a peu d’animaux de traction, pas d’engrais, pas de semences sélectionnées, pas assez d’irrigation.

Enfin, le marché agricole mondial est dominé par une dizaine de sociétés transcontinentales extrêmement puissantes, qui décident chaque jour de qui va vivre et mourir. La stratégie de libéralisation et de privatisation du Fonds monétaire international (FMI), de la Banque mondiale et de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) a ouvert la porte des pays du Sud aux multinationales. La multinationale Cargill a contrôlé l’an dernier 26,8 % de tout le blé commercialisé dans le monde, Louis Dreyfus gère 31 % de tout le commerce du riz. Ils contrôlent les prix. La situation est la même pour les intrants : Monsanto et Syngenta dominent le marché mondial – donc la productivité des paysans.

Que faire face à cette situation ?

Ces mécanismes, faits de main d’homme, peuvent être changés par les hommes. Mon livre, Destruction massive, Géopolitique de la faim, malgré son titre alarmant, est un message d’espoir. La France est une grande et puissante démocratie, comme la plupart des États dominateurs d’Europe et d’Occident. Il n’y a pas d’impuissance en démocratie. Nous avons toutes les armes constitutionnelles en main – mobilisation populaire, vote, grève générale – pour forcer le ministre de l’Agriculture à voter pour l’abolition du dumping agricole à Bruxelles. Le ministre des Finances peut se prononcer au FMI pour le désendettement total et immédiat des pays les plus pauvres de la planète.

La crise de la dette européenne rend cette position plus difficile à envisager…

Elle complique la situation. Mais la taxe Tobin, quand elle a été proposée par Attac il y a quinze ans, était qualifiée d’irréaliste. Aujourd’hui, elle est discutée par le G20 ! Les organisations internationales sont obligées de constater la misère explosive créée par la hausse des prix des matières premières. Un chemin se dessine. Nous avons un impératif catégorique moral – au-delà des partis, des idéologies, des institutions, des syndicats : l’éveil des consciences. Nous ne pouvons pas vivre dans un monde où des enfants meurent de faim alors que la planète croule sous les richesses. Nous ne voulons plus du banditisme bancaire. Nous voulons que l’État à nouveau exprime la volonté du citoyen, et ne soit pas un simple auxiliaire des entreprises multinationales. Ces revendications créent des mouvements dans la société civile.

La crise ne risque-t-elle pas de provoquer une montée du populisme en Europe, plutôt qu’un nécessaire sursaut des consciences ?

La lutte est incertaine. Le chômage et la peur du lendemain sont les terreaux du fascisme. Mais il y a une formidable espérance à la « périphérie », comme le montrent les insurrections paysannes pour la récupération des terres que les multinationales se sont appropriées au nord du Brésil et du Sénégal, au Honduras ou en Indonésie. Si nous arrivions à faire la jonction, à créer un front de solidarité entre ceux qui luttent à l’intérieur du cerveau de ces monstres froids et ceux qui souffrent à la périphérie, alors l’ordre cannibale du monde serait abattu. J’ai d’autant plus d’espoir que l’écart entre Sud et Nord se réduit, parce que la jungle avance. La violence nue du capital était jusqu’ici amortie au Nord, par les lois, une certaine décence, la négociation entre syndicats et représentants patronaux. Aujourd’hui, elle frappe ici les populations humbles. Il faut montrer la voie de l’insurrection et de la révolte.

Propos recueillis par Élodie Bécu

À lire : Jean Ziegler, Destruction massive : Géopolitique de la faim, 2011, Éditions du Seuil, 352 pages, 20 euros.

Notes
[1] Selon les critères de l’Organisation mondiale de la santé : 2 200 calories par individu et par jour.

jeudi 22 mars 2012

Nicolas Sarkozy annonce un délit pénal de visite de sites internet !

Le drame de l'affaire Mohamed Merah va-t-elle justifier l'injustifiable ? Dans une déclaration à la mi-journée jeudi, le président Nicolas Sarkozy a annoncé que le fait de visiter des sites internet promouvant une idéologie terroriste sera un délit pénal. Ce qui suppose de surveiller tout ce que font les internautes de leur connexion à internet.




L'émotion peut-elle tout justifier ? Jeudi matin, après l'intervention du RAID qui a abouti au décès du terroriste Mohamed Merah, le président Nicolas Sarkozy a prononcé un discours solennel dans lequel il a annoncé une série de mesures pour renforcer la lutte contre le terrorisme. Parmi ces mesures, le chef de l'Etat annonce que sera créé un délit pénal visant à sanctionner la visite fréquente de sites faisant l'apologie du terrorisme ou répandant une certaine forme d'idéologie.

"Toute personne qui consultera de manière habituelle des sites internet qui font l'apologie du terrorisme, ou véhiculant des appels à la haine ou à la violence, sera puni pénalement", a déclaré Nicolas Sarkozy.

Une telle loi, si elle est effectivement votée, et à supposer qu'elle soit validée par le Conseil constitutionnel, serait totalement inacceptable. Elle suppose que l'on observe ce que font les internautes de leur connexion à internet de la façon la plus précise, en regardant tous les sites internet qu'ils visites et à quelle fréquence. Soit directement en regardant ce que fait chaque internaute individuellement, soit en demandant aux fournisseurs d'accès à internet de signaler ceux de leurs clients qui demandent à accéder régulièrement à certaines adresses IP reconnues pour héberger les sites concernés.

Jamais une démocratie n'a fait adopter ce type de loi. Et il faudra la combattre si elle voit le jour. Car la France, alors, ne serait plus une démocratie, mais un régime autoritaire.

Elle ne sera plus placée "sous surveillance", ce qui est déjà trop, mais bien parmi les pays ennemis d'internet et de la liberté d'expression.

mercredi 14 mars 2012

ACTA : les socialistes européens refusent la saisine de la CJUE

Le groupe parlementaire S&D, fort de 190 eurodéputés, a rejeté mardi soir la proposition de son rapporteur David Martin. Celui-ci suggère de faire saisir la Cour de justice de l'Union européenne par le Parlement européen afin qu'il se penche sur l'ACTA. Or, cette manœuvre n'aurait pour seul but que de favoriser la position des partisans de l'accord commercial anti-contrefaçon.


Les socialistes européens ont tranché. Lors d'un vote organisé mardi soir, le groupe S&D (Alliance progressiste des socialistes et démocrates) a refusé la proposition de David Martin, rapporteur d'ACTA au Parlement européen, de saisir la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE). Le groupe S&D est la deuxième force politique du Parlement, avec 190 élus (environ 25 % des sièges).

Sur Twitter, l'eurodéputée Françoise Castex a expliqué que 96 parlementaires ont participé au vote et que 59 d'entre eux ont voté contre. À noter qu'il s'agit là d'un camouflet pour David Martin, celui-ci étant également membre du groupe S&D. Il reste toutefois à connaître la position groupe PPE (Parti populaire européen), qui demeure la principale force au sein du Parlement européen (271 élus).

La position du groupe S&D concernant la proposition de David Martin fait notamment suite à la mise en garde de la Quadrature du Net, qui craint qu'une saisine de la CJUE ne soit en réalité qu'une basse manœuvre destinée d'une part à retarder d'un an ou deux le vote des parlementaires européens sur l'ACTA et d'autre part à détourner l'attention médiatique afin de favoriser le camp en faveur du traité international.

D'après l'initiative citoyenne, cette saisine bloquerait tout le débat sur l'ACTA puisqu'il faudrait attendre la décision finale de la CJUE. Cette tactique ne vise qu'à bâillonner le Parlement et affaiblir l'opposition, a prévenu le porte-parole de l'association. Cette dernière a d'ailleurs mis en place un dispositif particulier pour inciter les citoyens à contacter les élus pour leur demander de faire front.