mercredi 22 décembre 2010

La Loppsi 2 adoptée sans accroc par l'Assemblée en deuxième lecture


PARIS — Le projet de loi sur la sécurité intérieure (Loppsi 2) a été adopté mardi par l'Assemblée nationale en deuxième lecture à l'issue d'un débat sans véritable accroc hormis sur le permis à points, où la position des députés UMP en faveur d'un assouplissement a triomphé.
Adopté par une large majorité, 305 voix contre 187, ce projet de loi "d'orientation et de programmation sur la performance de la sécurité intérieure", comprend la plus grande partie des mesures annoncées cet été par le chef de l'Etat dans son discours de Grenoble.
Sur le permis de conduire, les députés UMP sont arrivés à leurs fins et ont voté un délai de deux ans, au lieu de trois, pour récupérer l'intégralité des points alors que le gouvernement soulignait qu'il n'en voulait pas. Le ministre de l'Intérieur, Brice Hortefeux, avait vu jeudi son amendement rejeté en séance.
Mais, ce rebondissement mis à part, toutes les autres mesures, même celles qui avaient fait grincer des dents au Sénat, sont passées sans aucun accroc.
Peines planchers pour les violences aggravées, et non plus pour les seuls récidivistes, extension de la surveillance judiciaire ou allongement de la période de sûreté pour les meurtriers de policiers, l'arsenal répressif sort renforcé. La vidéosurveillance voit également son champ étendu.
C'est "un message de fermeté" à l'adresse d'une "délinquance sans scrupules, sans foi ni loi, faisant régner la terreur", a affirmé mardi Jacques-Alain Bénisti pour expliquer le vote du groupe UMP.
Le PS n'a lui eu de cesse de dénoncer une énième loi en matière de sécurité, "la 16e loi en huit ans", et la baisse des effectifs des forces de l'ordre.
"Quelle est la crédibilité de ce fourre-tout juridique, qui est la traduction de l'impuissance du pouvoir?", s'est interrogé le patron des députés PS, Jean-Marc Ayrault mardi.
Le député PS Manuel Valls a ironisé sur le nombre et la variété des mesures de ce texte: davantage un "sac à aspirateur" que la "boîte à outils" décrite par le rapporteur de la loi, Eric Ciotti (UMP), a-t-il estimé alors que se sont rajoutées de nombreuses dispositions au fil du temps.
Le projet de loi, qui fixe les grandes orientations des forces de l'ordre de 2009 à 2013, avait été adopté en première lecture en février 2010 par l'Assemblée.
La Loppsi 2 "limite les libertés individuelles" et entretient "le fantasme de l'ennemi de l'intérieur", a jugé de son côté Patrick Braouezec (ex-PCF).
Au Nouveau centre (NC), Jean Dionis du Séjour a voté contre "pour manifester son scepticisme vis-à-vis de l'accumulation des loi sécuritaires" et pour marquer "son désaccord sur le filtrage abusif de l'internet". Abstention notable: l'ex-ministre Hervé Morin, pour qui seul un juge judiciaire doit disposer du pouvoir de bloquer un site internet.
La possibilité pour l'autorité administrative de demander à des fournisseurs d'accès internet de bloquer des sites pédopornographiques, qui suscitait des craintes chez les associations, a aussi été critiquée par quelques députés UMP, comme Lionel Tardy, qui souhaitaient l'intervention d'un juge judiciaire dans le processus.
Le Nouveau centre avait aussi critiqué l'amendement, finalement adopté, du collectif des députés de la Droite populaire imposant à une cour d'assises d'informer les jurés de la possibilité de prononcer une peine complémentaire d'interdiction du territoire à l'encontre d'un "criminel de nationalité étrangère".

mercredi 15 décembre 2010

Loppsi 2: quand les faits divers dictent leur loi


SOCIÉTÉ 14/12/2010 À 16H32 (MISE À JOUR À 19H28)

Nombre des articles de la loi sur la sécurité intérieure de retour à l'Assemblée ce mercredi, ont été introduits en réaction à des événements qui ont marqué l'actualité. Florilège.

Par LIBÉRATION.FR
Des jeunes hommes, le visage caché, font face à la police, le 17 juillet 2010 dans le quartier de
Des jeunes hommes, le visage caché, font face à la police, le 17 juillet 2010 dans le quartier de Villeneuve, à Grenoble. (© AFP Philippe Merle)
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Un fait divers, une loi. La Loppsi 2, controversé et disparate projet de loi sur la sécurité intérieure de retour en deuxième lecture à l'Assemblée ce mardi, est un bon exemple de la méthode législative chère au gouvernement. Illustrations parmi les 48 articles que compte le texte.

La récidive

Le fait divers
Octobre 2009, le corps de Marie-Christine Hodeau, 42 ans, enlevée pendant qu'elle faisait son jogging, est retrouvé près de Milly-la-Forêt(Essonne). Son meurtrier, qui reconnaît les faits, avait été condamné en 2002 à onze ans de réclusion pour le viol d’une adolescente et avait bénéficié d’une libération conditionnelle en 2007, assortie de mesures de contrôle. Le drame relance la polémique sur la récidive, déjà ravivée la même année par l'affaire Pierre Bodein, condamné à la perpétuité incompressible pour le meurtre viols et meurtres après avoir bénéficié en mars 2004, trois mois avant ces faits, d’une libération conditionnelle.
La mesure Le projet de loi prévoit l'extension de la surveillance judiciaire, notamment via le bracelet électronique, pour les condamnés à une peine supérieure ou égale à 5 ans, en état de nouvelle récidive.

Les violences contre la police

(Nuit d'émeute à Grenoble, photo AFP - Philippe Merle)
Le fait divers 16 juillet, le casino d’Uriage-les-Bains (Isère) est braqué. L’un des deux suspects, Karim Boudouda, 27 ans, est tué par la police.Le quartier de la Villeneuve à Grenoble, où habitait la victime, vit trois nuits d’émeutes et de violences, la police essuie des tirs à balles réelles. Dix jours plus tard, Nicolas Sarkozy tient à Grenoble un discours musclé, annonçant entre autres mesures «l’instauration d’une peine de prison incompressible de trente ans pour les assassins de policiers ou de gendarmes qui sera discutée au Parlement dès la rentrée».
La mesure Elle réapparaît dans la Loppsi telle qu'annoncée par le chef de l'Etat: allongement de la période de sûreté à trente ans pour les auteurs de meurtres de personnes dépositaires de l’autorité publique. Autre mesure, le renforcement des peines plancher –entre six mois et deux ans– pour des violences aggravées passibles de trois à dix ans de prison.

Les billets qui tombent du ciel

(Au Champ de Mars, la foule attend la distribution de billets, photo Reuters - Benoît Tessier)
Le fait divers Novembre 2009, un site de commerce en ligne, Mailorama, se paie un coup de pub en annonçant la distribution de billets de banque aux passants à Paris. Avant de renoncer au dernier moment devant l'affluence et de la mini-émeute qui s'annonce.
La mesure Est créé un «délit de distribution d’argent à des fins publicitaires sur la voie publique».

Les jeux dangereux

Le faits divers Deux affaires, coup sur coup, ont remis au premier plan fin 2008 la question des jeux dangereux à l’école. Le 21 novembre, un collégien de 12 ans est hospitalisé au Havre après avoir été roué de coups en jouant au «petit pont massacreur» – celui qui rate le ballon et le laisse filer entre les jambes est tabassé par ses camarades. Même scénario quatre jours plus tard dans un collège de Sevran, en Seine-Saint-Denis.
La mesure L'important volet cybercriminalité et surveillance d'Internetde la Loppsi 2 prévoit une batterie de sanctions, dont une punissant la diffusion par internet d’images incitant les enfants à des jeux dangereux.

Les supporteurs

(Rixe en marge du match PSG-OM le 28 février, photo AFP - Loic Venance)
Le fait divers 28 février, après plusieurs matchs sous tension, de violents affrontements éclatent en marge du match PSG-OM à Paris, entre supporteurs parisiens. Un supporteur de la tribune Boulogne est tabassé par des supporteurs de la tribune Auteuil et décède deux semaines plus tard de ses blessures.
La mesure Le ministre de l’Intérieur pourra interdire un déplacement collectif ou individuel de supporters en cas de graves troubles à l’ordre public, et le préfet restreindre leur liberté d’aller et venir.

Les campements roms

(Le 17 juillet devant la gendarmerie de Saint-Aignan, photo AFP Alain Jocard)
Le fait divers 18 juillet, une cinquantaine de gens du voyage attaquent la gendarmerie de Saint-Aignan (Loir-et-Cher), après qu’un jeune a été tué par un gendarme. Trois jours plus tard, Nicolas Sarkozy préside une réunion sur les «problèmes que posent certains parmi les gens du voyage et les Roms». Brice Hortefeux, ministre de l’Intérieur, annonce dans la semaine le démantèlement de la moitié des 600 camps illégaux dans les trois mois et l’expulsion des «Roms qui auraient commis des atteintes à l’ordre public ou des fraudes».
La mesure Pour faciliter l'expulsion des campements illicites en cas de«risques graves pour la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publique», unamendement prévoit que le préfet pourra exiger le départ des occupants sous quarante-huit heures, et ce sans passer par la case juge. Le préfet pourra aussi passer à la méthode forte, en demandant au tribunal de grande instance l’autorisation de détruire les«installations», le tribunal devant donner sa réponse dans les quarante-huit heures.

Et aussi... les violences contre les personnes âgées

Le fait divers Fin janvier, les corps de deux septuagénaires, tués à l’arme blanche, sont retrouvés dans un pavillon de Pont-Sainte-Maxence (Oise). Le ministre de l’Intérieur annonce le lendemain que les sanctions pénales seraient «aggravées» en cas d’agression de personnes âgées. Michèle Alliot-Marie, alors garde des Sceaux, rappelle à son collègue que l'aggravation de la peine est déjà prévue par l'asenal pénal.
La mesure Recadré par MAM, Brice Hortefeux se raccroche alors à l’existence d’un amendement à la Loppsi adopté en réalité quelques jours auparavant le drame de Pont-Sainte-Maxence, et qui prévoit de faire passer de cinq à sept ans de prison la peine encourue pour le vol (et non le meurtre) commis au préjudice d’une «personne vulnérable».

mardi 14 décembre 2010

L'usurpation d'identité sur Internet bientôt pénalisée


Le Point.fr - Publié le 14/12/2010 à 10:18


Les députés examinent en seconde lecture le projet de loi Lopssi 2, qui prévoit notamment de pénaliser l'usurpation d'identité sur un réseau de communications électroniques.
L'usurpation d'identité sur Internet bientôt pénalisée
Il existe une multitude de profils "Nicolas Sarkozy sur Facebook © / Capture d'écran Facebook
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Par LAURENCE NEUER
Les faux profils pullulent sur les réseaux sociaux, à commencer par celui de Nicolas Sarkozy. Revêtir l'accoutrement numérique d'un autre est un jeu d'enfant. Il suffit en effet de connaître les identifiants de messagerie d'une personne pour envoyer des e-mails à sa place. 210.000 cas d'usurpation d'identité sont recensés chaque année en France et près d'une victime sur deux ignore la façon dont le fraudeur a obtenu ses données personnelles. Que faire face à ce petit jeu qui peut tourner au drame ?
Vide législatif
Pour le moment, le simple fait d'utiliser la boîte e-mail d'une personne n'est pas punissable. La peine d'amende de 75.000 euros pour "usurpation d'identité" ne sanctionne que deux cas : l'utilisation d'une fausse identité dans un acte authentique ou un document administratif destiné à l'autorité publique (actes authentiques établis par les notaires) et le fait de se présenter sous un faux nom pour se faire délivrer un extrait de casier judiciaire.
Dans tous les autres cas, le vol d'identité n'est sanctionné que lorsque la victime de l'usurpateur encourt une condamnation pénale. Exemple : l'usurpateur qui se fait passer pour elle tient des propos diffamatoires ou commet un délit routier.
Autrement dit, il faut une infraction "principale" pour que l'usurpation d'identité (infraction "connexe") soit reconnue pénalement. Autre exemple, le fait de créer une adresse électronique sous l'identité d'une personnalité politique ne peut être sanctionné que si l'auteur s'en sert pour véhiculer des injures ou de la diffamation (article 434-23 du Code pénal). Même chose si une personne utilise l'identité de quelqu'un pour louer une voiture sans la rendre à l'issue de la période de location ou falsifie le chéquier d'une personne pour régler des achats. Ici, la victime risque une condamnation pour vol ou pour escroquerie.
Condamnation d'un internaute ayant créé un faux profil sur Facebook
La violation du droit à l'image qui peut aussi servir de fondement à une action judiciaire à la suite de la publication sur Internet de photos de la victime. Fin novembre 2010, l'humoriste Omar Sy, membre du duo Omar et Fred, a fait condamner à 4.000 euros dont 2.500 euros de réparation l'usurpateur qui avait créé un faux profil à son nom. Accessible à tous les membres de Facebook, ce profil affichait des photos le représentant seul ou avec son partenaire de scène. Il contenait également des commentaires que l'artiste était censé avoir écrit ainsi que les réponses de ses "amis" qui pensaient s'adresser à lui. La justice a autorisé Omar Sy à demander à Facebook l'adresse IP et l'adresse e-mail de l'usurpateur. Le fournisseur d'accès auquel correspondait l'adresse IP a ensuite livré l'identité de son abonné. Celui-ci a été assigné en référé pour atteinte à la vie privée et au droit à l'image de l'artiste. Pour le tribunal, toute personne quelle que soit sa notoriété a droit au respect de sa vie privée et "aucun élément ne justifie que les informations concernant ses goûts ainsi que le nom de certains de ses amis soient portés à la connaissance du public".
Ce que prévoit la Loppsi 2
Le projet de loi Loppsi sur la sécurité intérieure prévoit de réprimer le fait d'utiliser, de manière réitérée, sur un réseau de communication électronique, l'identité d'un tiers ou des données qui lui sont personnelles en vue de "troubler la tranquillité de cette personne ou d'autrui" ou de "porter atteinte à son honneur ou à sa considération". Cette infraction devrait être punie d'un an d'emprisonnement et de 15.000 euros d'amende.
Certains experts estiment que cette nouvelle incrimination laisse beaucoup de situations impunies. Pour Christophe Naudin, chercheur criminologue au département de recherche en Menaces criminelles contemporaines à l'université de Paris II, il ne faut pas se cantonner à l'usurpation d'identité stricto sensu mais aussi prendre en compte les nombreux cas de substitution d'identité et identités fictives. "Il faudrait par ailleurs que la loi sanctionne de manière identique tous les cas d'usurpation d'identité, depuis le vol de papiers pour souscrire un crédit aux achats à l'aide de cartes bancaires volées, estime l'expert. S'agissant d'une atteinte aux personnes, ses auteurs devraient même être jugés aux assises, d'autant que le traumatisme lié à ce type d'infraction peut être énorme."