jeudi 28 mai 2009

13/05/2009 09:54

PARIS (AFP) - Prêt de main d'oeuvre entre entreprises, une alternative aux licenciements limitée


Le prêt de main d'oeuvre d'une entreprise à une autre, inscrit dans une proposition de loi qui doit être discutée le 26 mai, connaît un intérêt renouvelé du fait de la baisse d'activité de certaines sociétés, mais son rôle d'alternative à des licenciements reste limité.

Le prêt de main d'oeuvre consiste à céder un salarié pendant une durée déterminée à une autre entreprise, sans qu'il y ait rupture de contrat de travail, le salarié revenant ensuite chez son employeur initial.

Le prêt de main d'oeuvre n'est permis que dans un but non lucratif (sauf pour l'intérim), l'entreprise prêteuse devant refacturer à l'euro près les salaires et charges. Il doit aussi ne pas avoir pour objet de contourner les droits du salarié, faut de quoi il constitue un "délit de marchandage".

En ces temps de crise, certaines entreprises ont opté pour cette alternative pour réduire leurs coûts, sans avoir à se séparer définitivement de compétences qui leur seront nécessaires lors de la reprise.

C'est le cas de Soitec, un fabricant de matériaux en silicium près de Grenoble, qui a annoncé un plan de départs volontaires pour 10% de son effectif (860 personnes en France), tout en favorisant le prêt de salariés.

Selon la CGT de Soitec, la direction souhaite que 50 salariés soient prêtés pour 18 mois au Commissariat à l'énergie atomique (CEA).

"Beaucoup de PME nous disent +je ferais bien ce projet, mais je n'ai pas les compétences+ tout en n'ayant pas les moyens d'embaucher ou d'attirer le bon profil à ce stade de leur projet", témoigne Nicolas Leterrier, directeur général de Minalogic, organisme ayant oeuvré au rapprochement des deux organisations et à l'établissement d'une convention encadrant le prêt.

Mais ce dispositif, dans un bassin orienté vers l'innovation et avide de compétences pointues, "ne concernera pas de grosses masses (de salariés)", prévient M. Leterrier.

Même remarque chez le groupe de chimie Rhodia qui, parallèlement à des suppressions de postes (100 à 200), va prêter en 2009 des salariés au sein du groupe et en dehors.

"Ce n'est pas la mesure phare du groupe pour s'adapter à une situation de sous-activité, c'est une des propositions", souligne une porte-parole.

Chez l'équipementier automobile Inoplast en Ardèche, une centaine de salariés vont travailler quelques mois chez une entreprise voisine, Iribus-Iveco, un des plus gros fabricants français de bus ayant reçu dernièrement une grosse commande de la RATP.

A Toulouse, Continental Automative (électronique embarquée) a récemment fourni des opérateurs à Thales Alenia Space, moins touché par la crise.

Signe d'un regain d'intérêt, le député UMP Jean-Frédéric Poisson a déposé une proposition de loi précisant la définition du prêt de main d'oeuvre dans le but d'"encourager à la mobilité professionnelle".

Mais si le prêt de main d'oeuvre peut être un outil homéopathique bienvenu en temps de crise, il soulève aussi de nombreuses questions légales et s'inscrit dans une évolution toujours plus morcelée du cadre de travail.

Me Emmanuelle Boussard-Verrachia, spécialiste du droit du travail, pointe "une fragilisation du salarié", éloigné de son entreprise, donc de ses collègues, des délégués syndicaux et de ses habitudes de travail. Elle prône "des garde-fous très stricts pour éviter le dévoiement" du prêt de main d'oeuvre.

Propriété intellectuelle (brevet), vote aux élections professionnelles, accident du travail, avancement, ancienneté, etc.: à défaut d'être précisés dans une convention, ces points restent en suspens, et pas forcément à l'avantage du salarié.

Source : http://www.lexpress.fr/

Droits de l'homme

Amnesty épingle les pays du G20 dans son rapport annuel

Par Jim Jarrassé, publié le 28/05/2009 08:00

Le rapport 2009 d'Amnesty International cible les pays du G20... mais n'oublie pas le reste du monde. Ici, des femmes et des enfants déplacés aux Philippines, en septembre 2008.

Amnesty International

Le rapport 2009 d'Amnesty International cible les pays du G20... mais n'oublie pas le reste du monde. Ici, des femmes et des enfants déplacés aux Philippines, en septembre 2008.

Une crise peut en cacher une autre... Dans son rapport annuel, qui sort ce jeudi, Amnesty International se penche sur les effets de la crise financière sur les droits humains.

A Londres, le 2 avril dernier, les pays membres du G20 se rassemblaient pour "refonder le capitalisme" et lutter contre la crise. Plus de 1000 milliards de dollars étaient débloqués afin de renflouer les caisses du FMI et de la Banque mondiale. Une rallonge conséquente qui n'est pas au goût de tous.

Dans son rapport annuel (voir la vidéo à la fin de l'article),Amnesty International s'insurge: "Les pays riches et puissants, qui disaient ne pas disposer des ressources nécessaires à la lutte contre la pauvreté, ont soudain trouvé des sommes infiniment supérieures pour voler au secours de banques à la dérive", écrit Irène Kahn, secrétaire générale de l'ONG. Elle réclame des moyens plus importants pour lutter contre "la crise des droits humains".

En août 2008, des femmes attendent des soins à Huancavelica, au Pérou, pays où le taux de mortalité maternelle est l'un des pires de la région.

Amnesty International

En août 2008, des femmes attendent des soins à Huancavelica, au Pérou, pays où le taux de mortalité maternelle est l'un des pires de la région.

Car pour Amnesty, soigner les maux du système financier ne peut suffire. D'après son rapport, le ralentissement économiques'accompagne d'un affaiblissement des droits de l'homme. La précarité augmente sur tous les continents: la Banque mondiale prévoit 53 millions de nouveaux pauvres cette année. L'exclusion et les inégalités sont renforcées, la xénophobie exacerbée.

Ce cocktail explosif favorise l'émergence de revendications, parfois violentes. Au Zimbabwe,en Tunisie ou au Cameroun, "ces protestations ont été réprimées par des Etats qui ne savent pas comment venir à bout des problèmes liés à la crise économique", assure Francis Perrin, porte-parole d'Amnesty International. 

Autre constat: les pays du G20, qui sont "responsables de la plupart des causes qui ont précipité la catastrophe" économique, ne sont pas des modèles en matière de protection des droits de l'homme. Alors qu'ils se doivent de "donner l'exemple", leur bilan sur l'année 2008 reste mitigé. L'avènement de Barack Obama aux Etats-Unis est aussi celui d'une "volonté politique" jusqu'alors inexistante, mais "tout reste à faire", précise Francis Perrin.

Septembre 2008: ces Sri Lankais fuient la zone de Kilinochchi, où l'armée régulière combattait les Tigres tamouls. Les heurts de ces derniers mois ont conduit quelque 300 000 réfugiés à se déplacer.

Amnesty International

Septembre 2008: ces Sri Lankais fuient la zone de Kilinochchi, où l'armée régulière combattait les Tigres tamouls. Les heurts de ces derniers mois ont conduit quelque 300 000 réfugiés à se déplacer.

Les autres leaders mondiaux doivent encore "adhérer aux valeurs universelles, regarder en face leurs propres bilans, peu reluisants, et en finir avec leur politique "deux poids, deux mesures" dans le domaine des droits humains". Principaux concernés: l'Arabie Saoudite, la Russie, et la Chine, dont "le système pénal souffre de graves dysfonctionnements". 

Amnesty voit dans la crise l'occasion rêvée de "stopper le mouvement de retrait de l'Etat de la sphère sociale et de redessiner un modèle de gouvernance plus soucieux des droits humains". Reste à savoir si les gouvernements sont prêts à saisir cette chance. Question de priorités.

La vidéo associée au rapport 2009 d'Amnesty International.

lundi 25 mai 2009

Source http://www.20minutes.fr/article/317535/France-Un-prisonnier-au-nom-de-la-raison-d-Etat.php
     actualités générales

Un prisonnier «au nom de la raison d'Etat»

Créé le 03.04.09 à 03h27 | Mis à jour le 03.04.09 à 13h54  | 46 commentaires

ULTRA GAUCHE - La pression monte autour de «l'affaire de Tarnac» alors que Julien Coupat est toujours en détention provisoire...

La pression monte autour de «l'affaire de Tarnac». Les avocats de plusieurs mis en examen dans cette affaire de sabotages présumés de lignes de TGV, ont dénoncé jeudi les conditions d'enquête et d'instruction de ce dossier qualifié de «fantasme». Mi-novembre, neuf personnes dites du «groupe de Tarnac», du nom d'un village corrézien où beaucoup vivaient, ont été mises en examen pour des dégradations de caténaires. Toutes libérées au fil des semaines, il ne reste aujourd'hui en détention provisoire que Julien Coupat, chef présumé du groupe. Trois demandes de remise en liberté lui ont été refusées par la justice depuis quatre mois.

Jeudi, lors d'une conférence de presse, son avocate Irène Terrel a affirmé que «Julien Coupat reste détenu au nom de la raison d'Etat», comme le «bouc émissaire d'un fiasco politico-judiciaire». L'avocate a de nouveau appelé à sa «libération immédiate», estimant qu'il n'y a «strictement rien» à lui reprocher. Après «huit mois de surveillance intense, aucune preuve matérielle» n'a pu être retenue contre Coupat, affirme Me Terrel.

«Yildune avait envie de faire un câlin»

Seuls éléments à charge contre le trentenaire : sa présence fin octobre 2008 près d'une ligne de TGV qui allait subir des dégradations, sa participation à des manifestations antigouvernementales, des écrits retrouvés chez lui et jugés subversifs par la police - tel l'ouvrage «L'insurrection qui vient» écrit par l'anonyme «Comité invisible» - et une mise en cause par un témoin sous X. «On criminalise des écrits pour en faire des preuves», a estimé hier Me William Bourdon, avocat d'Yldune Lévy, compagne de Julien Coupat et également mise en examen.

Le très médiatique Me Bourdon a reconnu «la proximité géographique» et une «coïncidence temporelle» du couple Lévy/Coupat avec le sabotage de Dhuisy en Seine et Marne, dans la nuit du 7 au 8 novembre dernier. Mais rien de probant, a martelé l'avocat; précisant: «Yildune avait envie de faire un câlin à son ami. C’est son côté romantique".

Après des élus de gauche mercredi, les avocats ont demandé hier la «déqualification» de terrorisme dans cette affaire. «Le chef d'accusation d'association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste a bon dos et permet de ratisser large», selon Jean-Pierre Dubois, président de la Ligue des droits de l'homme.

Bastien Bonnefous 

vendredi 22 mai 2009

Source : http://uneplacepourtous.midiblogs.com/archive/2009/02/07/la-separation-des-pouvoirs-en-france-en-2009.html

07.02.2009

La séparation des pouvoirs en FRANCE en 2009

Monsieur le président, par Eva Joly

LE MONDE | 15.01.09 | 13h53 • Mis à jour le 15.01.09 | 17h31

Supprimer le juge d'instruction ne constitue pas une simple réforme de notre système pénal, mais porte atteinte au plus haut de nos principes, celui de la séparation des pouvoirs et de l'indépendance de la justice à l'égard du pouvoir politique. Votre discours ne mentionne aucune garantie d'indépendance pour les enquêtes. Ce silence, dans un domaine qui constitutionnellement vous échoie, porte la marque du stratagème politique.
Mais le verbe haut et toute la rhétorique du monde ne suffiront pas pour convaincre les Français qu'un parquet soumis aux instructions du ministre constitue une meilleure garantie pour le justiciable qu'un juge indépendant. Vous affirmez que notre pays est marqué par une tradition de "rivalité" entre le politique et le judiciaire. La rivalité n'est pas du côté des juges, elle est le fruit de la peur des politiques.
Vous pensez que la légitimité politique prime sur tous les pouvoirs. Or c'est précisément pour contenir le désir de toute-puissance qui s'empare naturellement des gouvernants que les Lumières ont forgé le concept de séparation des pouvoirs. John Locke l'a observé justement : 
"C'est une expérience éternelle, que tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser ; il va jusqu'à ce qu'il trouve des limites." 
Il ne fait pas bon en France incarner une de ces limites. Plus d'un magistrat en France peut en témoigner.
Qui peut encore croire que le juge d'instruction est "l'homme le plus puissant de France" ?
Certainement pas vous, Monsieur le président. L'homme le plus puissant de France, c'est vous.
Vous avez le pouvoir de faire saisir un tribunal arbitral qui attribue 285 millions d'euros à un de vos soutiens. Vous avez le pouvoir de déguiser une grâce individuelle à un préfet dévoyé en grâce collective.

LE SPECTACLE DE L'IMPUNITÉ

A de rares exceptions, en matière financière, il n'y a plus que des enquêtes préliminaires, et des dossiers bouclés dorment dans les tiroirs. La liste des enquêtes non effectuées est impressionnante : les soupçons de corruption à l'encontre de Christian Poncelet, ex-président du Sénat ; les flux financiers allégués de Jacques Chirac au Japon ; les fortunes apparemment mal acquises des présidents africains placées en France ; le rôle supposé de la BNP Paribas dans les montages corrupteurs au Congo-Brazzaville et Congo-Kinshasa.
La justice aurait dû enquêter pour crever l'abcès. Elle ne l'a pas fait, laissant se répandre le poison du soupçon et le spectacle de l'impunité. Une justice dépendante, c'est une justice qui n'ouvre pas d'enquête lorsque les faits déplaisent au pouvoir. Rappelez-vous du massacre des Algériens à Paris le 17 octobre 1961. Il n'y eut jamais aucune enquête ! Aucune condamnation ! Parce que le parquet ne le jugea pas opportun.
Est-ce cette face-là de la justice qu'il faut faire ressortir au XXIe siècle ? Le juge d'instruction est le fruit de notre histoire. Il n'existe pas ou a disparu en dehors de nos frontières. Il peut évidemment être supprimé, mais à condition que sa disparition entraîne davantage de démocratie et non davantage d'arbitraire.
Peu importe qui mène les enquêtes pourvu que les magistrats soient préservés des pressions ; pourvu que les investigations puissent être conduites, ne soient pas étouffées dans l'oeuf.
Vous voulez confier les enquêtes au parquet ? Cela se peut, mais il faut alors rendre le parquet indépendant de votre pouvoir, ce qui, vous en conviendrez, n'a guère été votre choix. Les contempteurs des juges d'instruction affirment qu'il est impossible d'instruire à charge et à décharge. Si le parquet enquête, il héritera du même dilemme. A moins que vous n'ayez l'intention d'accorder aux avocats un pouvoir d'enquête... Non seulement la justice sera aux ordres, mais elle deviendra inégalitaire, à l'image de la justice américaine.
En somme, vous aurez pris le pire des deux systèmes : l'arbitraire et l'inégalité. Face à un projet qui foule aux pieds l'idéal de 1789 d'égalité des citoyens devant la loi, face à une réforme qui risque de transformer notre pays en République oligarchique, à la solde de quelques-uns, j'appelle les Françaises et les Français épris de justice à la mobilisation contre votre projet.

Eva Joly, ancienne magistrate

Article paru dans l'édition du 16.01.09.


jeudi 21 mai 2009

Encore un bon resumé comme d habitude, c est quand que les gens se reveillent? faudrait penser a mettre le reveil
Source : http://www.numerama.com/magazine/copier/12948-Decryptage-Sarkozy-et-son-oeuvre-de-controle-du-net.html

Société 2.0 -

"Le président de la République actuel a un plan". C'est la première phrase du livre de François Bayrou, Abus de Pouvoir, et l'on peut la vérifier au moins en ce qui concerne le contrôle du net. Depuis la loi DADVSI où il était président de l'UMP et ministre de l'intérieur, Nicolas Sarkozy a déployé son plan pour contrôler le net. Il a commencé à l'appliquer avant-même la loi Hadopi, et prévoit de le parachever avec la Loppsi. Dans cet article exceptionnellement long, Numerama tente un décryptage du net selon Sarkozy.





Petit à petit, les pièces du puzzle s'assemblent et l'image se révèle sous nos yeux. Le projet de loi Création et Internet n'a pas encore été promulgué que déjà le morceau suivant s'apprête à faire son apparition. Projet de loi après projet de loi, décret après décret, nomination après nomination, Nicolas Sarkozy prépare méthodiquement les moyens pour le gouvernement de contrôler Internet... et les internautes.


Lundi, Le Monde a publié un excellent article sur la prochaine loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (Loppsi, ou Lopsi 2), qui montre ce que prévoit le nouveau texte commandé par Nicolas Sarkozy : installation de mouchards électroniques sans vérification de leur légalité par les services de l'Etat, légalisation des chevaux de Troie comme mode d'écoute à distance, création d'un super-fichier "Périclès" regroupant de nombreuses données personnelles (numéros de carte grise, permis de conduire, numéros IMEI des téléphones mobiles, factures...), création d'un délit d'usurpation d'identité, pouvoir de géolocaliser les internautes, ...


Sans cesse repoussée, la loi est attendue de pieds fermes par Nicolas Sarkozy. C'est d'ailleurs en partie elle qui a justifié l'obsession du Président à maintenir contre vents et marée la loi Hadopi. Car "le président de la République actuel a un plan". Pour le comprendre, il nous faut accumuler les pièces à conviction. Certaines relèvent très certainement de la paranoïa, d'autres sont véritablement réfléchies par le Président.


Mises bout à bout, elles laissent peu de doute sur la volonté de Nicolas Sarkozy de contrôler le net, aussi bien dans son contenu que dans son infrastructure.


Au commencement, Nicolas Sarkozy voulu devenir Président


Très tôt dans sa carrière politique, Nicolas Sarkozy n'a eu qu'une obsession : devenir président de la République. Et une vision : pour y parvenir, il fallait contrôler les médias. Maire de Neuilly-Sur-Seine, il s'efforce de faire entrer rapidement dans son cercle d'amis proches les Martin Bouygues, Lagardère (père et fils) et autres Dassault qui le conduiront par leur amitié complice au sommet du pouvoir. C'est d'autant plus facile que ces capitaines d'industrie, propriétaires de médias, dépendent pour l'essentiel de leurs revenus des commandes de l'Etat. Entre amis, on sait se rendre des services...


Toute cette énergie de réseautage a été mise au service de son ambition présidentielle. En 2007, c'était la bonne. Première tentative, première victoire. Mais Nicolas Sarkozy a eu chaud. Il avait négligé Internet. A quelques points près, François Bayrou - qui a au contraire beaucoup misé sur Internet pendant la campagne - passait devant Ségolène Royal au premier tour de la Présidentielle, et c'est le leader du MoDem qui se serait retrouvé à l'Elysée.


Il serait faux toutefois de prétendre que Nicolas Sarkozy, qui s'était assuré le soutien du bloggeur Loïc Le Meur (à l'époque le plus influent), s'est aperçu trop tard du pouvoir du net. Fraîchement élu, le président Sarkozy n'avait pas tardé à demander "l'avènement d'un internet civilisé", prônant une "campagne de civilisation des nouveaux réseaux". Le coup de Trafalgar du refus de la Constitution européenne par les Français avait montré pour la première fois au monde politique les limites des médias traditionnels face à Internet, où l'opposition au texte européen fut virulente. Les amis de Nicolas Sarkozy dans les grands médias et l'industrie culturelle l'ont très vite convaincu qu'il fallait faire quelque chose. Lui pour conserver le pouvoir, eux pour limiter cette concurrence gênante. C'est Renaud Donnedieu de Vabres (RDDV) qui s'est chargé des basses oeuvres, sous l'oeil attentif de son président de l'UMP et ministre de l'intérieur de l'époque, Nicolas Sarkozy.


DADVSI et HADOPI : les premières pierres vers le filtrage


Derrière les apparences d'une première loi contre le piratage sur Internet, comme l'avait prédit le journaliste américain Dan Gillmor, c'est une alliance à trois qui s'est formée entre le pouvoir politique, le pouvoir médiatique et l'industrie culturelle. A peine la riposte graduée (déjà) adoptée, RDDV avait prévenu que la loi DADVSI "n'est que le premier d'une longue série d'adaptations de notre droit à l'ère numérique", et qu'il comptait bien s'attaquer "un jour au problème de la presse et de l'Internet". C'était en 2006.


Affaibli par la débâcle de DADVSI, le ministre de la Culture n'a pas eu le temps de mettre son projet en application. Mais l'idée d'accorder un label à la presse professionnelle en ligne et de doter les sites de presse d'un statut particulier opposé aux blogs était née. Nicolas Sarkozy l'a mise en application cette année. Le tout en permettant à la vieille presse papier de bénéficier par ailleurs de substantielles aides de l'Etat, contraires à la libre concurrence, pour investir le net.


Avec la loi Hadopi, qu'il a maintenu jusqu'à mettre en péril la cohésion du groupe UMP, le chef de l'Etat a réussi à imposer à tous les foyers français l'installation d'un "logiciel de sécurisation", qui, sous la forme d'un mouchard, aura pour but de filtrer les sites internet et certains logiciels. Soit de manière franche, en bloquant l'accès à des contenus ou des protocoles. Soit de manière plus sournoise, en mettant en place un système qui met en avant les sites labellisés par l'Hadopi ou par les ministères compétents, pour mieux discréditer les autres. Les sites de presse professionnels feront bien sûr partis un jour des sites labellisés, tandis que la multitude de blogs ou de sites édités par des journalistes non professionnels verront leur crédibilité mise en doute. Pour le moment on ne sait rien du périmètre des caractéristiques imposées par l'Etat aux logiciels de sécurisation, et c'est bien là sujet d'inquiétudes. Il suffira d'étendre par décret la liste des fonctionnalités exigées pour que la censure se fasse de plus en plus large et précise, hors du contrôle du législateur ou du juge.


LOPPSI : le filtrage imposé aux FAI


Si elle prévoit la création de ce logiciel de sécurisation, et suggère fortement son installation, la loi Hadopi ne fait cependant pas de son installation une obligation. Le risque d'inconstitutionnalité serait trop fort. Il faut donc compléter le tableau, en organisant un filtrage au niveau de l'infrastructure du réseau. C'est le rôle de la loi Loppsi, chapeautée par Michèle Alliot-Marie.


Entre autres choses, la Loppsi va imposer aux FAI une obligation de filtrage de résultat. Ils auront le devoir de bloquer l'accès à des sites dont la liste sera déterminée par l'administration, sous le secret. Ce qui n'est pas sans poser d'énormes problèmes dans les quelques pays qui ont déjà mis en place cette idée. Là aussi, une fois mis le pied dans la porte, sous prétexte de lutter contre la pédophilie (une tentation du pathos contre laquelle il faut résister), il suffira d'étendre la liste des exceptions qui donnent droit au filtrage. Ici pour les maisons de disques victimes de piratage, là pour les sites de presse suspectés de diffamation, ou pour les sites de jeux d'argent qui ne payent pas leurs impôts en France. La liste n'aura de limites que l'imagination et l'audace des gouvernants.


Encore faut-il que ces idées de contrôle du net puissent se mettre en place sur le terrain, ce qui nécessite des hommes et des femmes peu regardants. C'est dans cet art que Nicolas Sarkozy excelle le plus.


Le choix des hommes, le triomphe des idées


Dès 2006, Nicolas Sarkozy a compris qu'il aura besoin de verrouiller son gouvernement et les télécoms pour mettre en place son plan de contrôle d'internet. Christine Boutin, qui avait été une farouche et convaincante opposante à la loi DADVSI fin 2005 (au point de faire basculer le vote de certains députés UMP pour la licence globale), et qui avait défendu l'idée d'un internet libre, s'est ensuite mue dans un silence confondant à la reprise des débats en mars 2006. En échange, et entre temps, elle a reçu la promesse de Nicolas Sarkozy d'entrer au gouvernement après les élections présidentielles si elle mettait sa langue dans sa poche. Les deux ont tenu parole.


Président de la République, Nicolas Sarkozy a ainsi composé son gouvernement de manière à accomplir son oeuvre sans opposition interne. Nadine Morano à la Famille, et Michèle Alliot-Marie à l'Intérieur, n'ont pas eu besoin de forcer leur nature pour prêcher la censure de certains sites Internet ou le filtrage des sites pédophiles ou terroristes. Porte-parole de l'UMP, pilotée par l'Elysée, le lobbyiste Frédéric Lefebvre ne passe plus une semaine sans se confondre en invectives contre Internet, et réclamer le filtrage. En plaçant l'ex-socialiste Eric Besson au numérique, Sarkozy pensait peut-être aussi paralyser les critiques à la fois de son propre camp et de l'opposition, tout en s'assurant le soutien d'un homme qui a troqué ses convictions pour son ambition. En le remplaçant par Nathalie Kosciusko-Morizet, plus rebelle, Sarkozy a pris un risque. Mais il fait aussi un pari. Celui que son frère Pierre Kosciusko-Morizet, président des deux plus gros lobbys français du numérique hostiles au filtrage, serait moins audible dans son opposition si sa soeur est systématiquement suspectée de collusion lorsqu'elle défend le même point de vue. Ce qui n'a pas manqué lorsque PKM a prêché, dans le vide, un moratoire sur la loi Hadopi.


Il a fallu aussi convaincre dans les télécoms. Free, à la nature frondeuse, reste le plus difficile à manipuler pour Nicolas Sarkozy. Il a toutefois trouvé une arme : la quatrième licence 3G. L'opérateur sait qu'elle va être rapidement indispensable pour continuer à concurrencer Bouygues, SFR et Orange, qui peuvent tous proposer des offres regroupant ADSL et mobile. Mais elle est dépendante de la volonté du gouvernement. Très rapidement, Christine Albanel a fait comprendre à Free qu'il devrait être obéissant pour espérer accéder à la fameuse licence. Depuis, le dossier ne cesse d'être repoussé sous des prétextes fumeux, et Free a mis de l'eau dans son vin contre Hadopi et contre le filtrage, dans l'espoir de ne pas hypothéquer ses chances d'avoir accès à la téléphonie mobile.


Pis, Nicolas Sarkozy a fait nommer numéro deux de France Telecom Stéphane Richard, le directeur de cabinet de Christine Lagarde, qui ne compte "que des amis" dans la commission qui déterminera le prix de la quatrième licence 3G. L'homme aura également pour mission de mettre en oeuvre le filtrage chez Orange, qu'il dirigera d'ici deux ans.


Le contrôle des institutions ayant leur mot à dire sur le filtrage


Enfin, Nicolas Sarkozy s'est également assuré de contrôler les institutions qui pourraient lui faire de l'ombre. La CNIL, qui s'est opposée à l'Hadopi, n'aura pas le droit de siéger au sein de la haute autorité. Les amendements le proposant ont été refusés. Elle n'a pas non plus eu le droit de publier son avis contre la loi Hadopi, et les deux députés commissaires de la CNIL, tous les deux membres de l'UMP, ont voté pour la loi. L'un des deux, Philippe Gosselin, a même été un farouche défenseur de la loi à l'Assemblée, et sans doute au sein de l'institution. Dans son dernier rapport annuel, la CNIL a dénoncé l'omerta imposée par le gouvernement, et son manque d'indépendance, notamment financière.


Plus directement, Nicolas Sarkozy a également évincé l'autorité de régulation des télécommunications (Arcep) des études sur le filtrage, auquel elle était hostile. Redoutant que l'autorité ne reste trop à l'écoute des professionnels des télécoms et des internautes, le président de la République a récemment mis à la tête de l'Arcep Jean-Ludovic Silicani, l'ancien président du Conseil de la propriété littéraire et artistique (CSPLA). Un homme notoirement favorable au filtrage et à la lutte contre le P2P. Le CSPLA, rattaché au ministère de la Culture, compte par ailleurs parmi ses membres le Professeur Sirenelli, à qui le gouvernement confie quasiment toutes les missions juridiques liées au filtrage depuis quatre ans, avec un résultat certain.


Finalement, c'est au niveau européen que Nicolas Sarkozy compte ses plus forts adversaires. Il a entamé un bras de fer avec le Parlement Européen sur l'amendement Bono, et exerce un lobbying intense sur les Etats membres pour qu'ils refusent de marquer dans le marbre le principe du respect de la neutralité du net, contraire au filtrage. Il peut compter sur le soutien de Silvio Berlusconi, propriétaire de médias, qui met en place exactement le même plan en Italie. Mais il redoute l'opposition des députés européens.


D'où l'importance des élections européennes du 7 juin prochain. De leur résultat dépendera peut-être la réussite ou l'échec du plan mis en place par Nicolas Sarkozy.




Article diffusé sous licence Creative Common by-nc-nd 2.0, écrit par Guillaume Champeau pour Numerama.com