"Quand j'ai été nommé à ce poste, la délinquance connaissait une tendance à la hausse. Aujourd'hui, elle est à la baisse". Ce jeudi 15 avril, Brice Hortefeux
défend son bilan. Présentation des premiers résultats de la politique de sécurité pour 2010, annonce, la veille, d'un plan national de
sécurisation des transports sur lequel il promet de veiller "personnellement", le ministre de l'Intérieur occupe le terrain. Et tente de prouver qu'il est bien aux commandes Place Beauvau.
Car les temps sont rudes pour Brice Hortefeux. Caillassage des bus à
Trembaly-en-France,
jeune homme poignardé à Grenoble, contrôleurs agressés sur la ligne SNCF Mantes-La-Jolie/Paris Saint-Lazare... Ces derniers jours, plusieurs épisodes de violences urbaines sont venus saturer les médias.
Et
depuis les régionales, le ministre voit sa capacité d'action rognée par son ami de toujours, Nicolas Sarkozy. Pour faire oublier les scores calamiteux enregistrés par l'UMP, le chef de l'Etat joue une nouvelle fois la carte de la sécurité.
Le 7 avril, un des conseillers de Nicolas Sarkozy lorsqu'il occupait le ministère de l'Intérieur, le général Jacques Mignaux, est nommé à la direction générale de la gendarmerie nationale (DGGN).
Christian Lambert, ancien patron du Raid, proche lui aussi de Nicolas Sarkozy, est nommé préfet de Seine-Saint-Denis. Plusieurs "actions coups de poing" ont également été menées dans des quartiers du Val-de-Marne et de Seine Saint-Denis, à la demande du président de la République.
Le locataire de l'Elysée a d'ailleurs exprimé à plusieurs reprises son désir de reprendre la main sur la place Beauvau qu'il occupait autrefois. Frontalement. "Je vais m'occuper de la sécurité, hein, Brice?" aurait lancé Nicolas Sarkozy devant des dirigeants de la majorité, le 8 avril, d'après le Canard enchaîné. Toujours selon le Canard, il aurait claironné, le 7 avril, devant un parterre de députés: "J'ai tué le job de ministre de l'Intérieur depuis longtemps".
Les policiers bientôt reçus à l'Elysée
Le 21 avril, le chef de l'Etat recevra les secrétaires généraux des principaux syndicats de police à l'Elysée, avant d'accueillir des représentants de la gendarmerie quelques jours plus tard.
"Un nouveau camouflet" pour Brice Hortefeux, juge
Delphine Batho, députée PS des Deux-Sèvres, sur son blog. Avant de lâcher: "Jamais un ministre de l'Intérieur, ainsi placé sous tutelle, n'avait autant été infantilisé.
Du côté de la police, certains reconnaissent le caractère inhabituel de l'entrevue: "Ce type de rencontre n'est pas fréquent. Je crois que c'est la première fois qu'on le voit en personne depuis qu'il est président. D'habitude, ce sont ses conseillers qui rencontrent les syndicats. Ou Brice Hortefeux qu'on voit régulièrement." admet Patrice Ribeiro, secrétaire général-adjoint de syndicat d'officiers
Synergie .
"Ce n'est pas exceptionnel non plus", nuance Jean-Claude Delage, du syndicat
Alliance Police Nationale, "On l'a vu récemment encore à l'enterrement du brigadier Nerrin tué par l'ETA. Et il a vu les chauffeurs de bus de Tremblay après l'incendie, les syndicats enseignants, etc."
Difficile pour l'heure de savoir ce qui pourrait émerger du rendez-vous. "On n'a vu ni le menu, ni la carte!" s'exclame Patrice Ribeiro. "Seront présents le ministre de l'Intérieur, ses chefs de cabinet, le préfet de police... Ils connaisent nos problèmes. Nicolas Sarkozy a dû être brieffé là dessus. Il ne faut pas se leurrer, il n'est pas le ministre de l'Intérieur", poursuit-il.
Il s'agit donc surtout d'un signe de la part du chef de l'Etat. "Nicolas Sarkozy veut prendre le pouls, sans filtre. Il veut donner une marque apparente d'attention", poursuit Patrice Ribeiro. Une marque de soutien qui satisfait les policiers en crise. "On est dans une période particulière, avec la mise en cause des gardes à vue, du fichage, la loi pénitentiaire, etc. Les policiers se sentent mal-aimés et se demandent: 'sommes-nous soutenus par l'Etat?' Quand il était ministre de l'Intérieur, Nicolas Sarkozy a su redonner aux policiers de la fierté", analyse Bruno Beschizza, récent élu UMP à la région Ile-de-France et secrétaire général du syndicat d'officiers Synergie.
Pour autant, les présidents des syndicats n'y voient pas tous un empiètement sur les prérogatives du ministre de l'Intérieur. "C'est plutôt bien que le président s'implique, cela n'enlève rien à l'action de Brice Hortefeux, estime Jean-Claude Delage. Cela prouve juste son attachement à la sécurité des Français et à la police. Ca montre surtout qu'il n'a pas oublié ce qui lui a permis d'être élu."
Mais Dominique Achispon, secrétaire général du
Snop, va plus loin : "On ne peut pas le nier, il y a une reprise en main certaine. Dans ce domaine, il y a une certaine cacophonie. Les policiers sont dans l'attente d'ordres plus clairs. Il y a eu beaucoup de réformes et de refontes en interne mais il faut désormais envoyer un message plus clair. J'attends de Nicolas Sarkozy ce discours. Les policiers ne se sentent pas soutenus pas leur ministre."